L’effort de construction de la Nation sénégalaise doit être fourni par chaque citoyen. Le travailleur doit verser sa sueur, l’écrivain doit déverser son encre, le guide doit élever sa voix pour le bien-être de ses concitoyens, car aux yeux de l’Islam, le meilleur d’entre nous, c’est celui qui se préoccupe le plus, des autres. Imbu de ces valeurs, nous nous proposons, dans cette présente réflexion, de faire quelques propositions, pour un Sénégal libre fort et uni malgré la diversité.
Pour arriver à cet idéal, il s’agira :
– Premièrement, de lutter contre la corruption :
La corruption, le détournement des deniers publics, le népotisme et la gabegie sont des tares qui retardent le redécollage économique de la plupart des pays africains. Il est toutefois inquiétant de constater que la corruption s’amplifie dans un pays comme le Sénégal dont la population est composée à plus de 95 % de musulmans. Elle n’épargne maintenant aucun domaine, ni aucun secteur privé ou public. La surfacturation, les dessous de table, les pots de vin, les « nouyou mouride » (salutations à la manière du mouride) ne sont que des formes de corruption.
Reconnaissons que la corruption est devenue banale chez nous au point qu’elle ne nous scandalise plus. Combien de personnes se font corrompre tous les jours dans l’exercice de leur fonction ? Or, le Prophète (PSL) nous apprend : « le péché d’un franc corrompu et consommé sciemment est plus grave que l’acte de commettre 40 fois l’adultère avec sa propre mère ». Il (PSL) dit encore : « Celui qui s’approprie de force un bien appartenant à un autre, l’enfer lui sera inévitable et il n’aura pas accès au paradis ». Dans un autre hadith, il (PSL) dit : « Ne donnez pas aux gens moins que leur dû ; et ne commettez pas de désordre et de la corruption sur terre ».
Lutter contre la corruption revient alors à restaurer, inculquer et transmettre les valeurs positives. Car, la corruption est un état d’esprit lié à un déficit d’éducation. C’est pourquoi, pour la combattre, il faut agir dés le bas âge. Etant donné que nos décideurs sont en grande parti les produits de notre système éducatif, et que ce sont eux qui sont poursuivis pour enrichissement illégal, il serait opportun de réfléchir sur un nouveau système qui accorderait plus d’importance aux valeurs religieuses de droiture, d’humilité, de générosité, de compassion, de respect de son prochain, de sens du sacrifice, etc.
En effet, à l’état actuel, aucune de ces valeurs n’est enseignée par l’école à ses pensionnaires. Pire, même nos propres valeurs traditionnelles de jom (affirmation de soi), de ngor (dignité), de kersa (pudeur), de fulla (détermination) et de fayda (forte personnalité), de teggine (savoir bien faire) ne sont pas capitalisées en termes de savoir-être par le système. Aussi notre école est-elle un maillon dans la chaîne de fabrication de jeunes insouciants, sans valeurs réelles, culturellement asservis, reproduisant ainsi le schéma de la domination occidentale dans sa version néocolonialiste, mondialiste aux conséquences plus désastreuses.
Introduite en Afrique pendant l’ère coloniale, l’école continue à former son lot d’intellectuels vides de toute dignité, de toute probité morale. Pitoyables complexés culturels, ils restent totalement coupés de leurs valeurs traditionnelles. Sans éthique, ils encouragent la corruption à tous les échelons de l’État. L’école doit former des sénégalais fiers de l’être dont la source principale d’inspiration serait leur propre histoire. On ne devrait nourrir aucun complexe d’introduire dans les programmes d’enseignement, l’étude de « Nahjou hadaa il haaj » ou « la voie de la satisfaction des désirs » de Cheikh Ahmadou Bamba Xaadimul Rassul qui nous enseigne comment devenir un bon citoyen. Avant des diplômés, l’école doit d’abord construire des hommes, au sens réel du terme. En tout cas, c’était cela le projet de Cheikh Ahmadou Bamba.
– Deuxièmement, une gouvernance vertueuse :
Il faut aller dans le sens du « right man on the right place » (l’homme qu’il faut à la place qu’il faut). Il est inconcevable de voir, dans un pays qui veut émerger, des ministres sans diplômes et des députés analphabètes. Au moment où aux USA, il faut la licence universitaire pour faire parti de l’équipe du basket du N.B.A, au Japon, la licence pour enseigner à l’élémentaire, au Sénégal, on peut, sans le B.F.E.M, assurer des fonctions de ministre ou ne jamais avoir été à l’école ou au daara et être député à l’Assemblée nationale.
Il faut que ceux qui assument de hautes responsabilités de l’Etat cessent de banaliser leur autorité voire leurs fonctions, au point de parrainer des soirées, des combats de lutte, des concerts, ect. Ils doivent comprendre qu’ils ne sont pas tombés miraculeusement du ciel. Elles sont des créatures mortelles au même titre que tout le monde et seront soumis à l’interrogatoire divin pour répondre de leurs actes. Conscient de cela, ils feraient preuve d’humilité et poser des actes positifs au service de leur société, lesquels leur permettront de graver leurs noms dans le panthéon des serviteurs de leur peuple et pourront à cet effet faire parti de ceux qui seront récompensés par ALLAH, dans l’Au-delà.
Dans la tradition musulmane, on raconte que le calife Omar Ben Abdel Aziz reçut de nuit la visite d’un hôte. Le calife écrivait à la lumière d’une lampe. Celle-ci faillit s’éteindre faute d’huile.
– « Vous me permettez de garnir la lampe », lui dit l’hôte ?
– « Il est malséant à l’homme de faire servir son hôte », dit le calife.
– « Voulez-vous que je réveille le domestique pour le faire », dit l’hôte ?
– « Ne le réveillez pas, il vient de se coucher », dit Omar qui alla chercher le vase à huile et garnit la lampe lui-même.
– « Est-ce que vous faites ce service vous-même », dit l’hôte ?
– « Je ne me suis pas dégradé, [dit le prince], je suis toujours Omar à l’aller et au retour. Aux yeux de Dieu, le meilleur des hommes est bien l’homme modeste ! ».
De même on rapporte qu’Abdou Horeira, nommé gouverneur à Médine par le calife Marwane, revint un jour du Souk avec un fagot sur le dos. Il ne cessait de répéter :
« Laissez passer le gouverneur ! ».
Dans un hadith que l’on retrouve chez Boukhari et Mouslim, le Prophète (PSL) dit : « Voulez-vous que je vous désigne les gens de l’enfer ? Toute brute, tout avare et tout
présomptueux ! ». Le Prophète (PSL) a dit aussi : « Dieu m’a révélé ceci : «Soyez modeste ! Que l’un de vous ne se croit pas supérieur à un autre et qu’il se garde de l’opprimer» ».
Nous reconnaissons avec le sage Ptahotep, vizir du roi Isesi (environ -2500) en Egypte ancienne que : « Si tu es dirigeant (un directeur) qui contrôle les affaires de beaucoup d’autres, recherche chaque acte bienfaisant, de façon à ce que ta conduite soit sans blâme. Grande est la justice dans ses effets… ».
Certains avantages des ministres, conseillers, députés, directeurs de société, entraineur de l’équipe nationale… doivent être revus dans l’intérêt de la Nation. De plus, il y a lieu de réduire le nombre de conseillers et de supprimer tous les postes qui n’apportent rien à la nation. Il ne devra plus s’agir de créer des postes pour caser des partisans, mais il faudra désormais agir utilement, car le Sénégal n’est de la propriété de personne.
– Troisièmement, promouvoir la production et la consommation locales :
L’Etat doit aller sans le sens d’instaurer le « corps des agriculteurs professionnels » qui sera constitué de jeunes sénégalais recrutés et envoyés dans la campagne pour augmenter la production et la productivité. Ils seront accompagnés par des ingénieurs agricoles pour leur servir d’assistance et de conseils.
A l’heure de la mondialisation, le Sénégal devrait assurer son autosuffisance alimentaire d’autant plus que sa population ne fait pas 15.000.000 de personnes au moment où la Chine avec ses 1.500.000.000 d’individus a déjà tourné cette page. Il n’y a pas de miracle, il n y a que de la volonté politique. Il est honteux de constater que la décolonisation de nos ventres et de notre corps n’est pas encore effective. Combien de produits finis et de vêtements sont importés depuis l’étranger ? C’est l’étranger qui nous nourri et nous habille, parce que nous n’avons pas encore décolonisé nos mentalités. Il faut que ça cesse ! L’Etat doit mener une politique sereine allant dans le sens de la déconstruction des mentalités et la formation de sénégalais fiers de l’être, débarrassés de tout complexe d’infériorité et de ses reflexes de subordination.
Pourquoi devrons-nous toujours continuer de confier notre destin aux « grandes puissances » au point que se faire recevoir par Obama ou le recevoir nous parait être comme une aubaine ?
« Les Etats n’ont pas d’amis ils n’ont que des intérêts ». Si nous voulons aller de l’avant, il faut rompre avec ces habitudes et reflexes de subordination pour marcher de nos propres jambes.
Baye Fary SEYE
Enseignant, Ecrivain Journaliste