SOMMES-NOUS ESCLAVES DES ESCLAVES ?

 « L’espace d’une vie est le même qu’on le parcourt en chantant ou en pleurant » Proverbe Japonais

D’où venons-nous ? Pourquoi sommes-nous venus ? Et où allons ? La réponse à cette triple interrogation nous permet sans aucun doute de trouver le sens de cette vie. Mais le constat désolant est que la plupart des gens ignorent le pourquoi de leur venue sur terre et pire encore d’aucuns ne se préoccupent même pas de savoir. Ils se montrent négligents quand il s’agit des choses relatives à la vie future et extraordinairement zélée quand il est question d’amasser et de thésauriser des richesses de ce bas-monde qui est éphémère et périssable comme ils le sont d’ailleurs eux-mêmes. Allah (SWT) ne dit-IL pas à propos d’eux : « Ils connaissent un aspect de la vie présent, tandis qu’ils sont négligents en ce qui concerne l’au-delà.» Sourate 30 verset 7

Cette méconnaissance doublée d’une négligence du sens de la vie et l’amour démesuré des biens terrestres amènent les gens à élever la quête de la fortune au rang de culte et à croire, dur comme fer, que le bonheur dépend des biens acquis. Depuis la révolution industrielle, et plus encore depuis les années 1960, nous vivons en effet dans une civilisation qui fait de la consommation le moteur du progrès. Moteur non seulement économique, mais aussi idéologique : le progrès, c’est posséder plus. Omniprésente dans nos vies, la publicité ne fait que décliner cette croyance sous toutes ses formes. Peut-on être heureux sans avoir la voiture dernier cri ? Le dernier modèle de lecteur DVD ou de téléphone portable ? Un poste téléviseur et un ordinateur dans chaque pièce ? Un salon en cuir ? Cette idéologie n’est pour ainsi dire presque jamais remise en cause : tant que c’est possible d’en avoir plus, pourquoi pas ? Si pour démontrer l’existence de l’Homme Descartes disait « Je pense donc je suis » ; actuellement cette formule célèbre peut devenir « je possède donc je suis ». L’Homme n’est donc plus une substance pensante mais plutôt « une substance possédante ». L’existence découle ainsi de l’avoir et si on inverse la formule on aura ceci : « qui ne possède rien n’existe pas » et c’est là où nous en sommes. Pourtant le coran nous prévient en des termes claires et pleins de sagesses : « La course aux richesses vous distrait, jusqu’à ce que vous visitiez les tombes. Mais non ! Vous saurez bientôt ! Encore une fois vous saurez bientôt » Sourate 102 versets 1,2 et 3

Malgré cet avertissement coranique, la plupart des musulmans à travers la planète lorgnent aujourd’hui vers ce modèle occidental, qui fait de la possession, de l’accumulation et du changement permanent des biens matériels le sens ultime de l’existence. L’être humain peut-il être heureux et vivre en harmonie avec autrui dans une civilisation entièrement construite autour d’un idéal de l’avoir ? Sans doute pas. L’argent et l’acquisition de biens matériels ne sont que des moyens, certes précieux, mais jamais une fin en soi. Le désir de possession est, par nature, insatiable et nous avons hérité cette appétence de notre ancêtre Adam qui, ayant l’autorisation de jouir des délices infinies du Paradis à l’exception d’un seul arbre ne pouvait s’abstenir de transgresser l’interdit. Le prophète d’Allah dit à ce propos que si le fils d’Adam avait deux vallées d’or, il en désirerait quand même une troisième, seule la terre (la tombe) peut remplir le ventre du fils d’Adam.

 Seulement l’amour des richesses n’engendre que frustration, haine et violence. L’être humain est ainsi fait qu’il désire sans cesse posséder ce qu’il n’a pas, quitte à le prendre par la force chez son voisin. Quelqu’un disait que l’homme est de glace sur tout ce qu’il a ; il est de feu sur tout ce qu’il n’a pas. Toutes les guerres ont pour cause réelle des querelles autours de territoires occupés, du pétrole que l’on veut s’approprier injustement, de l’or ou bien la volonté de dominer autrui afin de disposer de ce qu’il a. Or, une fois ses besoins matériels essentiels assurés (se nourrir, se vêtir, avoir un toit et de quoi vivre décemment), l’homme a besoin d’entrer dans une autre logique que celle de l’avoir pour être satisfait et devenir pleinement humain : celle de l’être. Il doit apprendre à se connaître et à se maîtriser, à appréhender le monde qui l’entoure et à le respecter. Il doit découvrir comment aimer, comment vivre avec ses semblables, gérer ses frustrations, acquérir la sérénité, surmonter les souffrances inévitables de la vie, mais aussi et surtout se préparer à mourir. Cela ne peut se faire qu’en étant en harmonie avec le Seigneur ; harmonie que procure une foi solide en Dieu ; seule gage de bonheur réel et durable. C’est, en effet, Dieu qui donne le bonheur et non les contingences extérieures. Le Coran dit : « C’est Lui qui fait descendre la quiétude dans les cœurs des croyants… » Sourate 48 ; verset 4. C’est pour dire que le bonheur émane du Seigneur et n’a d’autre destination que le cœur du vrai musulman. Il urge donc que l’on se reconsidère pour être un esclave de Dieu et non celui des autres créatures. Les biens terrestres doivent être au service de l’Homme et l’Homme au service exclusif du Seigneur des Univers. Soyons le cavalier de notre fortune et non son cheval. Ce principe va nous permettre de refonder notre civilisation, devenue pour la première fois planétaire, sur d’autres critères que l’argent. Je crois naïvement en tout cas qu’il ya plus de gloire à être esclave du ROI qu’à être esclave d’un autre esclave.

Mamadou Ngom