De nos jours le Sénégal vit une autre forme de la politique qui est aux antipodes des principes originels
enseignés par les civilisations grecques et romaines. Dans la civilisation de la Grèce Antique la notion de politique
avait une connotation noble car elle désignait l’art de gérer la cité. Mais aujourd’hui le terme politique est
galvaudé sous nos cieux africains et plus particulièrement au Sénégal.
Et la politique est perçue comme une scène où s’affrontent les individus et les groupements en compétition pour la conquête et l’exercice du pouvoir. De ce fait la politique est reléguée à un niveau inférieur ou à un univers des combats et des divisions, des trahisons et des infidélités, de la violence et du complot. Cette pratique de la politique recoupe parfaitement la théorie de Machiavel. Et en se fiant a la pensée Machiavélienne on constate que la politique ne rime pas avec la morale encore moins avec la religion.
Selon toujours lui la politique doit se fonder sur deux piliers fondamentaux notamment la ruse du renard et la force du lion. Or cette acception machiavélique de la politique ne devrait pas prospérer au Sénégal où la majorité des acteurs politiques sont musulmans avec toutefois des minorités monothéistes croyant également à des principes moraux et éthiques. Cette vacuité du champ politique des principes les plus élémentaires de la morale finit par polluer et empester sérieusement l’espace politique. C’est pourquoi le Sénégal durant cette dernière décennie, est le théâtre d’une perversion viscérale des attitudes et des comportements politiques, caractérisée par une marchandisation ou une « affairisation» de la chose politique. Ainsi le levier de l’action politique est la satisfaction des besoins existentiels et personnels de l’acteur, la politique devient bien sûr une entreprise de manducation et d’enrichissement illicite. Par conséquent le pouvoir loin d’être un moyen d’abréger les souffrances populaires devient au contraire l’outil par excellence d’embourgeoisement, d’accumulation et de redistribution des richesses. Cette stratégie d’accumulation des dirigeants politiques, élaborée depuis 1989 par Jean François Bayart, dans son fameux ouvrage L’Etat en Afrique, la politique du ventre, est la matrice du système politique sénégalais et l’impunité en devient la boussole. Du coup, les politiques pour ne pas dire les politiciens érigent l’argent en un fétiche dont la possession confère au titulaire considération et respect. En effet la licéité des moyens d’enrichissement est le cadet de leurs soucis, ce qui précipite la succession de malversations et de scandales financiers. Et comme si cela ne suffisait pas, ces auteurs de détournements de deniers publics connus et identifiés par tous ne sont pas inquiétés. L’acteur politique visiblement n’est point épris des valeurs cardinales enseignées par la religion et perdant par ricochet le respect et l’admiration du peuple. Cependant ce que l’on constate c’est que l’agora politique étant dépourvue d’éthique et de morale devient un cadre moralement malsain et politiquement souillé par des gens de bases moralités de sorte que ceux-ci n’inspirent plus de référence ou d’exemplarité. Et de mal en pis le landerneau politique est entaché de tares diverses et multiformes.
La conspiration, les combinaisons, la démagogie, la mauvaise foi sont au cœur de l’activité politique. De ce fait le mensonge n’excite plus la colère des musulmans et les promesses chimériques constituent la quintessence du discours politique. Et comme disait l’autre «les promesses n’engagent que ceux qui y croient.» Ainsi nos dirigeants politiques, faisant abstraction de leur stature de croyant, versent dans le culte de la contrevérité de sorte que le mensonge a fini par être banalisé et érigé en normalité publique. Cette absence totale de moralité, de probité et d’intégrité de certains dirigeants politiques a fini par créer une criminalisation et un cynisme de l’espace politique. Les invectives, les calomnies, les délations, bref les comportements vexatoires s’invitent dans l’arène politique pour devenir son essence. Du coup les acteurs politiques moins soucieux de valeurs morales et religieuses, versent dans ce que Zambo Belinga appelle à juste titre la culture politique de « l’opprobre ». Ces comportements vicieux de nos responsables politiques risquent de déteindre gravement sur l’attitude des jeunes générations qui doivent avoir en main le destin de ce pays. De ce fait on a une jeunesse désemparée, laissée à elle-même, qui ne sait plus à quel saint se vouer. Donc il y a la nécessité d’un retour aux principes moraux de base enseignés par la religion et une moralisation du jeu politique.Dans la foulée la jeunesse doit déconstruire de leur mentalité les clichés stéréotypés et les compréhensions frelatées de la politique.
La politique ne peut pas prospérer sans un polissage des attitudes dépravées des acteurs politiques et leur réappropriation des vertus religieuses, qui doivent guider le fondement de la pratique politique dans notre pays. Or la pratique de la politique au Sénégal semble être complètement déconnectée des valeurs religieuses et morales ce qui risque d’éclipser désastreusement l’avenir de notre pays.
Cheikh Mabéye SECK