Le pardon dans l’éthique musulmane et ses bienfaits

« Pardonner, c’est dire à l’autre : ” Tu vaux mieux que tes actes”»

L’Islam étant une religion de paix, le  comportement du Musulman consiste en une éthique fondée sur des valeurs telles que le don de soi, l’altruisme et surtout le sens du pardon. Ce dernier caractère nous préoccupe ici car il est au centre de la morale islamique si bien qu’on gagnerait à le cultiver et à le véhiculer en raison de ses multiples bienfaits. En effet, on lit dans le coran que le fait  d’endurer et de pardonner fait partie des bonnes dispositions et de la résolution dans les affaires. Les prophètes et les saints l’ont tous incarné et aujourd’hui, la science nous révèle ses vertus médicales.

  1. LE PARDON DANS LA MORALE ISLAMIQUE

Dans le Coran, le pardon envers autrui est fortement recommandé. Il apparait comme une forme d’adoration qui renforce la foi du croyant  et lui fait bénéficier de la miséricorde divine. Allah dit: «Et concourez au pardon de votre Seigneur, et à un Jardin (paradis) large comme les cieux et la terre, préparé pour les pieux, qui dépensent dans l’aisance et dans l’adversité, qui dominent leur rage et pardonnent à autrui…».

Il  ressort du texte coranique que le pardon n’est pas la résignation forcée ni un ultime recours après épuisement de toutes les possibilités de sanction ou de représailles. Comme de la charité, il est un acte volontaire pour le croyant qui préfère endurer les torts pour profiter la clémence divine. En effet, le Coran nous apprend que « La sanction d’une mauvaise action est une mauvaise action identique. Mais quiconque pardonne et réforme, son salaire incombe à Dieu…».

Le Prophète (PSL), présenté dans le Coran comme une miséricorde pour l’univers (Coran 21:107), est le modèle achevé dans ce domaine. Figurent parmi les preuves de cette miséricorde, l’indulgence, la tolérance, la compassion et le sens du pardon dont il a fait montre en maintes circonstances. En effet, il est connu qu’il ne se vengeait jamais pour des raisons personnelles, ne répondait jamais au mal par le mal, mais trouvait des excuses et pardonnait aux autres.  Plusieurs épisodes de sa vie dont son attitude vis-à-vis des gens de Taïf et son  entrée triomphale à la Mecque illustrent parfaitement son sens  élevé du pardon.

Le Messager d’Allah ne s’est pas contenté de donner l’exemple. Il a aussi beaucoup exhorté les croyants à la sérénité, à la compréhension, à l’humilité et au pardon.  En témoignent les paroles qu’on lui attribue et selon lesquelles, « le fort n’est pas celui qui terrasse les gens dans la lutte, mais le fort est celui qui reste maître de lui-même dans la colère ».

De ces propos, il apparait que rester maître de soi dans la colère est une vertu à laquelle il est certes difficile d’accéder, mais qui renferme des avantages innombrables. En effet, un hadith authentique nous apprend qu’un jour,  un bédouin était venu voir le Messager et lui demanda de lui apprendre les paroles qui réunissent tout le bien. Contre toute attente,  le prophète lui ordonna de ne pas se mettre en colère.

Dominer la colère est un exploit, savoir pardonner en est un autre. Le hadith qui suit montre que le pardon est une nécessité car son défaut peut nous faire perdre beaucoup parmi les privilèges qu’Allah accorde aux musulmans. Le lundi et le jeudi, a dit le Prophète, les portes du Paradis sont ouvertes et il est pardonné à quiconque n’a pas attribué d’associé à Dieu, à l’exclusion, cependant, de ceux qui auront eu un différend avec un de leurs frères.

Rien que ces deux hadiths montrent que le pardon doit être un véritable crédo pour tout musulman.

  1. LE PARDON ET SES BIENFAITS.

Pour le croyant, la pratique du pardon doit être faite dans le seul but de plaire à Dieu. Cependant, elle procure de multiples autres bienfaits. Elle est, en effet, la condition indispensable à la paix intérieure et à paix sociale en ce sens qu’elle permet de briser le cycle dévastateur de la violence d’abord au niveau individuel et ensuite sur le plan collectif.

Par contre, ceux qui se laissent guider par l’émotion et la colère tombent facilement dans les pièges de Satan qui ourdie en permanence pour semer la haine et installer l’hostilité. Dans ces conditions, l’acte de pardonner devient inimaginable parce que vécu comme une faiblesse ou une soumission. Pour s’affirmer, l’individu a souvent recours à la vengeance qui généralement s’avère inefficace. Il en résulte souvent des querelles et des bagarres parfois sanglantes ou meurtrières. Par ce biais, l’entente au sein des familles et au-delà la paix et la cohésion sociale sont gravement compromises.

Pour éviter cela, la solution est à rechercher dans le pardon qui constitue la seule véritable arme. Il  met un terme sinon atténue les disputes, permet les réconciliations, fait disparaitre l’esprit de vendetta, installe l’amitié entre des gens qui, naguère, étaient de farouches ennemis, rétablit la paix, l’unité et la concorde sociales. C’est pourquoi, le Coran dit: « L’action bonne n’est pas semblable à la mauvaise. Repousse celle-ci par ce qu’il y a de meilleur: Celui qu’une inimitié séparait de toi deviendra pour toi un ami chaleureux ».

Sous ce rapport, on s’aperçoit que le pardon est une force dont l’effet brise les barrières,  rompt l’enchainement des haines et des vengeances, nous permet d’accepter et même d’aimer ceux qui nous ont blessés. A la différence à la vengeance qui  généralement entraine après du remord, du chagrin et du regret, le pardon donne de la confiance en soi et augmente l’espoir en Dieu.  Il anéantit la souffrance morale, la dépression ainsi que le stress et est, de ce point de vue, une véritable source de bonheur.

C’est donc à juste raison que le Pape Jean Paul II  disait : « Une paix véritable n’est possible qu’à travers le pardon(…). Demander et accorder le pardon, voilà des actes qui sont le reflet de la profonde dignité de l’être humain. C’est parfois l’unique chemin qui permet de sortir de situations caractérisées par une haine ancienne et féroce ».

Des études scientifiques récentes ont également montrés que le pardon  améliore la santé mentale et  physique chez l’homme. Selon les résultats, les personnes qui ont appris à pardonner se sentent beaucoup mieux au plan physique et  émotionnel parce que le pardon développe un état d’esprit positif qui génère l’espoir, la patience et la confiance en soi, en réduisant la colère, la souffrance, la dépression et le stress. On peut donc   considère que le pardon est une matrice pour la santé et le bonheur.

De manière précise, il aurait été démontré que  la colère qui perdure, la dépression, le stress et l’hostilité perturbe l’équilibre émotionnel et multiplient les risques de crise cardiaque et autres maladies du cœur. Plus qu’on simple état d’esprit, la colère nuit à la santé humaine, mais son remède est le pardon.

LES CONDITIONS DU PARDON

Le pardon est un véritable combat contre l’âme charnelle car ce sont l’orgueil, la recherche de la gloire et de façon générale l’amour du bas-monde qui entrainent la dureté de cœur et empêche d’accorder le pardon. Aussi est-il difficile de pardonner surtout pour celui qui ne vit pas selon les valeurs morales de l’Islam.

Cela est cependant facile et même automatique  pour la personne qui est dotée d’un cœur pur, qui n’a pas de penchant pour la gloire personnelle, qui est exempt de rancœur et de jalousie. Il est aussi aisé pour le croyant qui a confiance en Allah et qui est convaincu que la vie présente n’est qu’une étape qui mène à la demeure éternelle. Celui-là ne se limite pas à pardonner, mais il oublie et implore le pardon pour ses frères (voir S59.V10).

Le sens du pardon fait donc partie des traits supérieurs de la morale islamique qui exige de l’endurance, de la patience, de la compassion, de la tolérance et de la longanimité. En fait, sans ces prédispositions permettant la maîtrise de soi devant l’offense, il est impossible  de dominer  la colère qui fait naitre le sentiment de vengeance ou la volonté de nuire.

La maîtrise de la colère dans l’épreuve est une condition indispensable à la réalisation du pardon sincère. C’est pourquoi, le prophète  nous a indiqué, à plusieurs endroits, la voie pour vaincre la colère. Il dit à ce propos : «Que celui d’entre vous qui se met en colère s’assoit s’il est debout.  Si sa colère ne se dissipe pas qu’il s’allonge sur le côté».

Il conseille également de garder le silence sans doute pour ne pas entendre des propos plus désagréables qui augmenteraient la colère ou pour ne pas tenir des paroles qu’on pourrait regretter après. Dans un état d’excitation, il recommande aussi  de solliciter la protection d’Allah contre le diable ou de faire les petites ablutions. «La colère, a-t-il dit, provient du diable. Et le diable a été créé de feu. Que celui d’entre vous qui se met en colère, fasse ses petites ablutions».

CONCLUSION

A terme, il nous a apparu que le pardon est une dimension importante de la spiritualité. C’est un facteur de  paix intérieur et extérieur. Sa négation entraine la violence physique et morale pouvant être fatale pour l’individu et la société. Tandis que la vengeance provoque un sentiment de désespoir, le pardon suscite  l’espoir, ouvre la porte à la guérison émotionnelle et à la réconciliation. Il est aussi source de longévité en raison de ses effets positifs sur la santé humaine.

Latyr NDIAYE
Administrateur Civil, Dr en Histoires
Décembre 2015