L’ONU entre la paix et la guerre

Née au lendemain de la seconde guerre mondiale en remplacement de la Société Des Nations (SDN), l’Organisation des Nations Unies (ONU) est le fruit d’un long processus. En effet, dès Février 1945, les grandes puissances alliées (Etats-Unis représentés par T. Roosvelt, le Royaume Uni par W. Churchill et l’U.R.S.S par Staline) et vainqueurs sur les puissances de l’Axe, réunis à Yalta en Ukrainne déclarent : ” Nous sommes résolus à créer avec nos alliés aussitôt que possible une organisation internationale générale en vue de maintenir la paix et la sécurité. Nous croyons qu’une telle organisation est essentielle pour empêcher de nouvelles agressions et éliminer les causes politiques, économiques et sociales des guerres au moyen d’une collaboration étroite et permanente des peuples pacifiques “.

Le 26 Juin 1945, les puissances alliées signent à San Francisco, la Charte donnant naissance à l’ONU. Dans la Charte sont définis les objectifs suivants : Maintenir la paix ; contribuer au développement économique, social, et sanitaire des Etats ; participer à la protection du patrimoine culturel des nations ; garantir les droits de l’homme et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Deux principes sont à la base du système de la Charte : l’interdiction du recours à la force dans les relations internationales et l’obligation de règlement pacifique. Ils sont définis dans les chapitres VI, VII et VIII. Le chapitre VI prévoit que les parties à  un différend, “dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales” (art. 33, § 1), “le soumettent au Conseil de sécurité” (art. 37, § 1) et que celui-ci, s’il “estime que la prolongation du différend semble, en fait, menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales”, peut “recommander tels termes de règlement qu’il juge appropriés” (art. 37, § 2). Dans le cadre du chapitre VII, “Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression”, le Conseil de sécurité, peut en effet décider des mesures qui s’imposeront à tous les membres, y compris des mesures impliquant l’emploi de la force armée. Donc, le recours de la force semble être relégué au dernier plan dans les rapports entre l’ONU et les Etats.

Le Conseil de sécurité est donc le seul organe de l’ONU dont les décisions doivent être respectées par les Etats membres. C’est aussi le seul organe international qui siège en permanence. Lorsqu’une situation ou un différend est porté à l’attention du Conseil, celui-ci commence généralement par recommander aux parties de trouver une solution pacifique. Il peut aussi enquêter, servir de médiateur, ou définir les principes d’un règlement. Il peut également nommer des représentants spéciaux ou demander au secrétaire général de prêter ses “bons offices”. Si les hostilités ont déjà éclaté, le premier souci du Conseil est d’y mettre fin le plus rapidement possible. Il peut enjoindre aux parties en conflit de déclarer un cessez-le-feu, imposer des sanctions diplomatiques ou économiques ou lancer une action militaire collective. Il peut aussi constituer des opérations de maintien de la paix, c’est-à-dire envoyer dans les zones de troubles des missions multinationales (groupes d’observateurs ou contingents militaires) qui s’emploient à atténuer les tensions et à séparer les forces ennemies pendant que l’on cherche à résoudre le conflit par la diplomatie. Ces “casques bleus” sont placés sous l’autorité du Secrétaire général et les parties en présence doivent consentir à leur intervention. Les casques bleus sont constitués de troupes fournies par les Etats membres. Ils interviennent dans différents pays pour imposer la paix.

Il est aussi précisé à l’article 2, paragraphe 7, que les Nations Unies ne sont pas autorisées à “intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un Etat membre”, reprenant le principe de la charte de l’Atlantique de 1941 signée ente Roosvelt et Churchill. Cependant, il ajoute in fine que “ce principe ne porte en rien atteinte à l’application des mesures de coercition prévues au chapitre VII”.

En outre, l’article 52 prévoit que le conseil de sécurité “doit, en tout temps, être tenu pleinement au courant de toute action entreprise ou envisagée”. Ainsi, aucune action coercitive ne peut être entreprise sans son accord.

Au regard de ce cadre juridique et institutionnel, il est clair que la charte de l’ONU repose sur un système cohérent et très ambitieux pour le maintien de la paix et de la sécurité collective.

Toutefois, l’organisation butte sur des tares qui l’affaiblissent et la dévie de ses principes. Les Etats forts semblent bafouer le droit international en menant une guerre dite préventive, refusent à l’ONU un rôle dans le contrôle de l’après-guerre et ignorent totalement le droit de véto des autres membres du conseil de sécurité. Ils mènent des actions isolés ou de groupes sans mandat onusien. Leur attitude est explicative des nouveaux rapports de force qui se dessinent dans le monde contemporain. En effet, au lendemain de la guerre froide qui marque la fin de la bipolarisation du monde, les Etats Unis prétendaient avoir vaincu toutes idéologies. A cet effet, Francis Fukuyama prédisait la fin de l’histoire. Il écrit :

«  Nous avons atteint le terme de l’évolution idéologique de l’humanité et de l’universalisation de la démocratie libérale occidentale en tant que forme définitive de gouvernement ».

Une nouvelle guerre pris alors la place de la guerre froide, à savoir « le choc des civilisations », pour reprendre le titre de l’ouvrage de Samuel P. Huntington. Il écrit :

 « Dans le monde d’après la guerre froide, les distinctions majeures entre les peuples ne sont plus idéologiques, politiques ou économiques. Elles sont culturelles. Les peuples et les nations s’efforceront de répondre à la question fondamentale entre toutes pour les humains : qui sommes-nous ? Et ils y répondent de la façon la plus traditionnelle qui soit : en se référant à ce qui compte plus pour eux. Ils se définissent en termes de lignage, de religion, de langue, d’histoire, de valeurs, d’habitudes et d’institutions. Ils s’identifient à des groupes culturels, tribus ethnies, communautés religieuses, nations et, au niveau le plus large, civilisations…dans le monde nouveau, les conflits les plus étendus, les plus importants et les plus dangereux n’auront pas lieu entre classes sociales, entre riches et pauvres, entre groupes définis selon les critères économiques, mais entre peuples appartenant à différentes entité culturelles. »

L’Occident trouve alors en face de lui, un peuple religieusement et culturellement chargé : le monde arabo-musulman. Ce dernier refuse toute forme d’uniformisation des cultures affichée par l’Occident et s’affiche comme étant l’incarnation de la justice et de l’égalité. On note l’ascension des partis d’obédience islamique dans la plupart des pays arabes comme en Egypte où on a assisté à l’arrivée démocratique au pouvoir des « frères musulmans » dirigés par le Dr. Mohamed Morsi.

La volonté d’uniformisation des cultures affichée par l’Occident est une menace face aux spécificités culturelles et religieuses propres à chaque peuple.  Il est clair que la diversité culturelle doit être source d’enrichissement et non de conflit.

Mus donc par leurs intérêts personnels, les Etats forts n’hésitent pas à défier le conseil de sécurité en menant des actions impérialistes en direction des Etas faibles. En atteste l’intervention des américains sous le couvert de l’OTAN au Kosovo, en 1999, sans mandat de l’ONU. L’Union européenne a tenté de jouer un rôle moteur dans la gestion de la crise. Très vite cependant, les Etats-Unis via l’OTAN ont repris le contrôle du processus diplomatique et militaire. La suprématie américaine dans l’OTAN est aussi illustrée par le contrôle des opérations par le Commandement suprême allié en Europe, placé sous direction américaine et la confidentialité du choix des cibles lorsque le Pentagone mit en œuvre ses armes les plus stratégiques (bombardiers B1, B2 et missiles de croisière Tomahawk). L’ONU a dû se contenter de fournir une force internationale de maintien de la paix (KFOR). Cette défiance des Etats-Unis vis à vis de l’ONU fut confirmée par leur refus d’attendre la fin de la mission des inspecteurs de l’ONU en Irak sur l’élimination des armes de destruction massive et par l’entrée en guerre, sans mandat voté par les 15 membres du Conseil de Sécurité. Or, devant les milliers de personnes tués par l’armée syrienne, l’ONU n’a pas encore pris une résolution pour mettre fin à ce carnage. L’URSS et la Chine opposent leur véto contre une éventuelle intervention militaire. Quant-à la situation qui prévaut actuellement au Nord du Mali, l’ONU semble adopter la position de la neutralité.

En conclusion, nous pouvons retenir que dans ses principes, l’ONU est une belle initiative à préserver pour le maintien de la paix et de la sécurité collective. Cependant ses multiples insuffisances dont la plus inquiétante serait la forte prédominance américaine, menacent sa crédibilité et son apport pacifique tant attendu par les peuples. C’est d’ailleurs pour cette raison que le général Charles DE GAULLE le qualifiait de « machin ». Elle ne peut empêcher les grandes puissances à faire prévaloir leurs velléités impérialistes à travers le monde.

La crise économique mondiale actuelle ne serait-elle pas un facteur aggravant de l’impuissance du Conseil de sécurité devant les grandes puissances telle que les USA ?

Baye Fary SEYE