Critique littéraire : «L’homme, le monde contemporain et Maa-ul-Hayaat» de Papa Fary Seye

« L’homme, le monde contemporain et Maa-ul-hayaat » est le troisième ouvrage de l’écrivain Papa Fary Seye après Racines égyptiennes de l’au- delà musulman (L’Harmattan 2011) et Sara, la lune du jour (L’Harmattan 2012).

Enseignant titulaire d’un Diplôme d’Etudes Approfondies (DEA). Spécialisé en Egyptologie, il     poursuit     toujours ses recherches dans ce domaine. Il est aussi titulaire   d’un    diplôme en journalisme et est le Directeur de  publication du magazine « Maa-ul- hayaat » et Président du Groupe Maa-ul-hayaat communication.

C’est un ouvrage très spirituel  (89  pages) partant de  la  quête  de soi, de l’intimité et  de cette essence de réfection de l’âme. L’écrivain s’interroge sur le devenir de la société, à la mienne et aux nôtres. Il y lance des cris de cœur contre la quête effrénée du bien matériel poussant certains jeunes à la dérive et à la perdition. L’irresponsabilité de l’homme a fait que nous nous demandons perpétuellement de quoi demain sera fait. Tous les cataclysmes naturels  que nous vivons ont été engendrés par la frénésie collective liée à la surexploitation de l’environnement.

Préfacé par le Professeur Djiby Diakhaté,  Sociologue, l’auteur soutient la thèse d’un retour nécessaire vers le soufisme, cette voie consistant à délaisser les plaisirs mondains afin de combattre les désirs charnels de  l’âme pour accéder à l’étendard d’homme apaisé dans une société où on nivelle vers le bas, dominée et mise à nue par le matérialisme où les adeptes sont pris pour des faibles d’esprit. Baruch Spinoza : « Et les faibles sont ainsi faits qu’ils accrochent leurs sentiments à toutes les épines comme pour en prouver la solidité ».

L’ouvrage est bien rédigé, très bien documenté avec des références exactes et des sources précises. Cela montre sans doute le niveau de culture générale de l’auteur. La société a complétement changé ses règles de jeux, désormais le mérite importe peu et on ouvre toutes les portes à celui qui sait bien saisir les opportunités avant qu’elles ne s’en aillent. La personnalité de  l’individu  n’est   plus   appréciée à sa juste valeur, l’on joue aux jeux de dupes et à l’apparence. On est apprécié qu’à travers le paraître et non l’être, de ce qu’on fait et de ce qu’on dit. Alors que « Ni l’apparence ni les paroles ou les actions ne traduisent pas forcément les intentions cachées de l’homme ».

Satan le lapidé, banni par Dieu et  les  Prophètes,  se   retrouve   hébergé  par les Humains, « ces représentants de Dieu sur terre ». N’est-ce pas pour cela que les humains éprouvent tant de mal à s’aimer réciproquement ? Emmanuel Kant nous avertit « L’Homme a trois vices : la fragilité, l’impureté et la méchanceté ». Satan à qui on a refusé le Paradis faute d’un manque d’humilité et d’un excès d’orgueil, intervient fréquemment dans les prises de position des uns et des autres. Contribue plus à la  dégradation  des lois et règlements préétablis pour une bonne marche de la société.

Une société  complexe  où tous les coups sont permis. De la méchanceté gratuite, des injures et des complots de seconde nature, les humains sont prêts à tout pour satisfaire leur égo. « La personne n’hésite pas à pleurer ou même à fournir des preuves matérielles ou audiovisuelles, montées de toutes pièces pour tromper la vigilance des gens et les entraîner dans leurs pièges » Sous nos tropiques, nos congénères sont des tyrans et on ne peut aimer   un tyran ! Si on en est à une situation telle qu’on ne peut plus se fier à l’apparence et aux actes visibles, on ne peut qu’en être désespéré. L’auteur nous le rappelle, « les actes visibles ne suffisent pas pour témoigner de la bonne foi d’une personne ».

L’auteur nous rappelle la leçon d’un des plus célèbres livres de Molière paru en 1664, Tartuffe. « Bien que datant du XVII ième siècle, Tartuffe est toujours d’actualité. Elle renferme des leçons de vie et révèle une autre facette de l’homme qui peut être bon comme il peut aussi faire mal. » De la même manière que la femme peut elle- même être socle de  développement de toute société, de la même sorte  elle peut devenir poison et pourrir ainsi la vie de l’homme. Tous les sages arrivent à de hautes positions stratégiques en évitant les pièges tendus par les femmes. Ceux qui n’ont pas réussi très tôt à les distinguer ont appris l’Erreur sur le tas, donc à leurs dépens et se retrouvent isolés et écartés complétement de la société. Le Coran nous avertissait dès lors « En réalité, la femme est un grand stratège ! ».

« Et finalement, à qui  faire  confiance ? » dixit l’auteur.

Il faut qu’on puisse restaurer les valeurs sociétales. Et pour cela, le rôle est imposé aux parents. L’éducation, le respect de la matérialité et du non matérialité doit se faire à la base, dès le bas âge. Inculquer à l’enfant des principes et des idéaux qui font qu’il se sentirait prêt à relever tous les défis qui se présenteront à lui. La décence et la pudeur installées chez l’enfant très trop lui permettront de garder ses valeurs civiques et morales pour ne pas céder à la tentation.

Tout mène à la  réussite mais à condition de s’en sortir. Tous les chemins mènent vers la perdition et on a plus le choix. La pression atmosphérique  n’est  plus dans l’atmosphère, elle courtise nos cœurs. Notre âme et nos désirs deviennent des pulsions, ces choses les mieux partagées aux mondes. Sodomisation, lectures en vague, intox et campagne de diabolisation, l’homme est finalement prêt à tout pour nuire avec l’appui des médias. « Les multimédias forment tous les jours des stars et nous les proposent sinon nous les imposent » a dit l’auteur.

On cherche à être de plus en plus admiré. Du « buzz » au laxisme, les jeunes n’ont rien à perdre car n’ayant rien à gagner. « Certains jeunes sont de plus en plus acculturés ». Et on cherche par tous les moyens à être le premier, à mieux se distinguer, à être devant, à être vu et reconnu. Ce qui devenait modèle devient délit et le délit est tellement pris à la légère qu’il deviendrait le chemin à suivre pour atteindre l’excellence. La société s’est résignée et a transformé ses règles de jeux. La règle devient l’exception et l’exception la règle.

Une société n’a que les dirigeants qu’elle mérite. Les nôtres sont les plus corrompus. Les éducateurs appelés enseignants et  professeurs  ne choisissent plus ce métier de par sa noblesse mais de par sa valeur pécuniaire. Comment se justifierait- il le fait d’aller en grève pendant presque 4 mois, pénalisant ainsi tout un système clé et hypothéquer l’avenir de toute une génération ? Les autorités laissent passer l’éponge et s’occupent de « leur amour acharné pour le pouvoir » et de leur gré d’intérêts crypto-personnels.

Les jeunes n’ont plus de repère. Allant jusqu’à considérer un rêve futur comme une garantie à l’ascension sociale.

« Barça ou barssakh / Barcelone ou la mort », nos jeunes vendent le présent au  futur  en  s’adonnant  au  merci  du premier venu et de l’émigration clandestine au risque de leur vie.

Face à une situation de perdition et  de détresse, l’auteur  recommande une nouvelle forme de politique, un nouvel idéal et une nouvelle forme de gouvernance après avoir tout essayé : le communisme, la monarchie, le socialisme, le capitalisme, la démocratie. « Essayons  maintenant  le Mouridisme et on verra que toute l’humanité s’en réjouira. » Rappelons que  le  Mouridisme  est  une  culture commune autour de la « Khidma », être au service des créatures à travers la voie de Dieu. Il incarne un processus étatique allant d’un modèle social efficace à un modèle économique dynamique en passant par une culture facile de la chose politique.

Ne savant plus quoi faire, les nôtres se confient à des guides spirituels qui devraient eux-mêmes « se préoccuper de leur propre guérison ». Cheikh Ahmadou Bamba « Ne prête pas attention à toute personne qui te ressemble à un guide religieux » Et d’ailleurs comment peut-on guider si l’on est soi-même éclairé ? L’auteur donne l’exemple de Cheikh Ahmadou Mbacké Maa-ul-hayaat comme référence car ayant sorti du pétrin pleins de jeunes qui s’égaraient du bon chemin. Les témoignages sautent à vue d’œil et laissent croire qu’il est un vivificateur, un déclencheur du soufisme que les hommes ont besoin pour avoir le cœur apaisé.

Abdou Khadre MBACKE – Ecrivain-Blogueur-Chroniqueur
abdoukhadre2011@gmail.com
Juillet 2015